Mal à l’université
Mal à l’université
L’expulsion manu militari, ce dimanche 25 mai 2025, d’étudiantes et étudiants de l’ULiège qui occupaient pacifiquement les couloirs d’un bâtiment universitaire pour protester contre la conclusion d’un accord de collaboration qu’ils jugeaient éthiquement douteux fait horriblement froid dans le dos.
Rappelons tout d’abord
- que, quelle que soit la lecture que l’on fait du conflit israélo-palestinien, la situation à Gaza est universellement reconnue comme dramatique, et qu'il est non seulement compréhensible mais assez sain que des jeunes s’en préoccupent et s’efforcent d'agir là où ils le peuvent ;
- que le principe de non-collaboration scientifique et militaire avec l'armée qui commet actuellement ces massacres et ces destructions massives des conditions de vie, comme d’ailleurs avec d’autres armées criminelles telles que celle de la Fédération de Russie déployée en Ukraine, a été explicitement recommandé par la Rapporteuse des Nations Unies et débattu dans de nombreuses assemblées démocratiques, y compris aujourd’hui aux échelles de l’Union Européenne et de la Wallonie ;
- que ce même principe a par ailleurs été approuvé par l’ULiège elle-même suite à la première occupation pacifiste de ses bâtiments par le même mouvement étudiant il y a un an ;
- qu'à cet égard l'implication de l'entreprise Thales est potentiellement problématique, comme l'indiquent diverses sources sérieuses (Amnesty International, Human Rights Watch, ainsi que des enquêtes de journalistes d’investigation) et comme le rappelait encore récemment la carte blanche du politologue Christophe Wasinski [1] ;
- que la conclusion d'un accord de coopération de l’ULiège avec Thales dans le contexte actuel pose dès lors effectivement des questions éthiques, ce que reconnaît d'ailleurs implicitement l'argument de l’équipe rectorale qui s'efforce tant bien que mal d’en distinguer Thales Belgique.
Dans ce cadre, il n’est ni irrationnel ni illégitime que des étudiantes et étudiants souhaitent interpeler l'université pour l’inciter à revoir cet accord de collaboration.
Le faire par une occupation pacifiste des bâtiments, qui est sans aucun doute visible et encombrante, et qui donne certainement mauvaise conscience, mais n'empêche pas l’activité universitaire (et certainement pas la session d’examens à laquelle les étudiants occupants eux-mêmes prennent part), est un moyen relativement classique de l'activisme étudiant et qui a, dans le passé, souvent réveillé les consciences et permis de faire évoluer des mentalités.
Mettre fin à ce débat en chassant les étudiants par l'intervention d’un huissier menaçant d’astreintes et de policiers lourdement armés au sein même des bâtiments universitaires est profondément choquant. Ce précédent regrettable va directement à l'encontre de principes universitaires de libre expression d'une diversité de points de vue argumentés, y compris ceux qui sont gênants aux entournures, et cela témoigne d’une volonté de faire taire par la force celles et ceux qui osent poser des questions, mettre en doute certains discours officiels et susciter une véritable réflexion éthique.
Depuis cette expulsion, qui, à s’être passée dans le calme (du fait de l’extrême pacifisme étudiant), n’en est pas moins extrêmement violente, nous avons mal à l’université.
Nous appelons l’Université de Liège à rouvrir rapidement le dialogue avec les étudiants et à accepter d’oser réinterroger attentivement l’opportunité de conclure aujourd’hui un accord de collaboration avec l’entreprise Thales.
[1] « L’ULiège et Thales s’associent pour développer des roquettes : un partenariat qui pose de sérieuses questions », Le Soir, 23 mai 2025.
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